Je diviserais la poésie en cinq domaines fondamentaux : la poésie romantique, la poésie surréaliste, la poésie humoristique, la poésie du cri et la poésie ésotérique.
Mardi 15 octobre 1991.
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Je diviserais la poésie en cinq domaines fondamentaux : la poésie romantique, la poésie surréaliste, la poésie humoristique, la poésie du cri et la poésie ésotérique.
Mardi 15 octobre 1991.
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Le Monde la vie : est un livre monde.
Vendredi 27 avril 2012.
Mais je l’ai aussi cherchée […] à la télévision
- bonus, making-off, pré-montage, suite
du reportage sonore
«Où est la poésie ? Elle n'est pas dans le journal» d'Arte radio -
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Mais je l’ai aussi cherchée […] sur Internet, dans les […] théâtres
- bonus, making-off, pré-montage, suite
du reportage sonore
«Où est la poésie ? Elle n'est pas dans le journal» d'Arte radio -
- fiction II : personnage en quête de poésie sur Internet
(et dans les théâtres…) -
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Deux premiers poèmes de « Visages-miroir totémiques » d’En regard, Sur Singularte écrits en regard de la performance « Visage-miroir totémique » alors en cours de création.
Filmé par Rodolfo Enrique Espinoza Rios en marge de la création d'une autre performance de l'ex collectif Singularte au Centre Cuturel Pouya, Paris le 28 mars 2010.
Sur une idée de Philippe Guénin.
Alain Marc - Méta / mor / phose ?
Alain Marc / Laurent Maza
feuille bloc Rhodia n°12 format 85 x 120
dossier « Recherche le Monde la vie (fév. 89 - fév. 92) »
dos de papier listing informatique coupé en 140 x 160
dossier « Recherche le Monde la vie (fév. 89 - fév. 92) »
dos de papier listing informatique coupé en format proche du A4
dossier « Recherche le Monde la vie (fév. 89 - fév. 92) »
texte tapé à la machine à écrire électronique sur feuille A5 blanche
dossier « Recherche le Monde la vie (fév. 89 - fév. 92) »
Le projet [1], est celui d’une poésie populaire, sociale, politique, et urbaine.
Jeudi 2 décembre 1999.
[1] Du poème à dire et à crier le Monde la vie et de celui qui le suit, déjà commencé avec la Poitrine étranglée.
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J’ai cherché la poésie. Je me suis mis dans la peau d’une personne “ordinaire”. Je l’ai cherchée dans les journaux, dans les gratuits et les magazines nationaux. Voilà ce que cela donne.
Il s’agit évidemment d’une critique de la présence de la poésie dans les pages du Monde des livres, du supplément livres de Libération, du Figaro littéraire, des magazines le Nouvel observateur, Télérama, des journaux gratuits comme Métro, Direct matin, 20 minutes et autres (la journée fut celle du 27 et 28 mai 2010).
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Oser oser : Sollers dit à juste titre, qu’il est impossible de lire un passage d’un des livres les plus sulfureux du divin Marquis au journal de 20 heures. Est-il possible, de publier, ici et là en ligne, ce Verlaine là, mais aussi, Tout, ce Verlaine là ? Pas si sûr… Évidemment derrière, ces mots, parfois crus, s’exprime bien autre chose, qui est de l’ordre d’une souffrance, extrême et souterraine — Verlaine mourra quelques années après l’écriture de ce poème… Et où peut être le tabou, sur quelques mots, de cet ordre, face à l’HORREUR, de la guerre, et humaine ? Le tabou, justement : savoir, qu’à le per
pétuer, justement, on peut TUER, avec quelques mots rentrés, et choqués, un enfant encore trop jeune… Croyez-moi.
VIII
Un peu de merde et de fromage
Ne sont pas pour effaroucher
Mon nez, ma bouche et mon courage
Dans l’amour de gamahucher.
L’odeur m’est assez gaie en somme,
Du trou du cul de mes amants,
Aigre et fraîche comme la pomme
Dans la moiteur de sains ferments.
Et ma langue que rien ne dompte,
Par la douceur des longs poils roux
Raide et folle de bonne honte
Assouvit là ses plus forts goûts,
Puis pourléchant le périnée
Et les couilles d’un mode lent,
Au long du chibre contournée
S’arrête à la base du gland.
[…]
Paul Verlaine, Hombres, 1891, recueil publié posthume « sous le manteau » en 1903.
Lire d’autres poèmes érotiques de Paul Verlaine sur ce beau blog de la poésie du 18 et 19e De la poésie.
L’anthologie – l’« hantologie » dirait Pierre Bourgeade – est la poursuite (de temps à autre) de l’anthologie Poésies du cri - voir la lettre ouverte à Poezibao (et les commentaires).
LETTRE OUVERTE À POEZIBAO
Madame,
Je viens d'apprendre que vous avez refusé, sur votre site Poezibao, un de mes poèmes figurant dans l'anthologie en ligne d'Alain Marc, Poésies du cri, issue de son essai Écrire le cri. Motif de votre refus : le contenu explicitement érotique de ce texte que vous jugez irrecevable pour votre revue.
Vous trouverez une lettre ouverte au sujet de votre décision de censure signée par moi-même, suivie d'une lettre d'Alain Marc.
Philippe Guénin
Lettre de Philippe Guénin :
Voici donc le texte soumis à votre censure.
De retour, au centre du corps et du rêve, tout cela tu l'attendais, l'amant, avance plus vite, ne te refuse rien, viens-moi, ouvre-toi, je serai là, tu arracheras tes écorces d'acier, d'enfer et de joie, je t'attendrai,, je serai là, tu regarderas, tu me regarderas, et ta queue inventera mon corps, tu maîtriseras tout, je te le dis, je te dirais, mon seigneur, tu es mon maître, tout donné je suis, ressuscité autour de ton sexe, pour toi, que pour toi, jouir de ton plaisir que de ton plaisir, ne casse rien, cesse de dire non, abandonne les semelles de plomb, chausse les bottes de plumes de l'amour, , , , , , , , , , , , , , , , , , , oui, patrick, toi aussi, nu, devant toi à travers moi, et tu te bats encore, , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,
[...]
Il s'agit d'un passage du livre Tessons de lune, paru en 1993 au Mercure de France dans la collection « les Lettres françaises » que dirigeait Jean Ristat.
Eléments de réponses donnés à l'énigme suivante : quand apparaissent, comme ici dans ce poème, des paroles ouvertement érotiques, pourquoi sont-elles, à vos yeux, irrecevables (publiquement) ?
Si l'on parcourt votre site de poésie contemporaine Poezibao, dans l'ensemble des poèmes présentés - le panorama est très large -, certains font preuve de la plus grande audace formelle (bouleversement radical des règles syntaxiques, déconstruction du sens, etc.). Néanmoins, l'horizon des poèmes, de facture classique ou plus avant-gardiste, que vous avez choisis, demeure toujours policé et sublimé.
Ainsi tout se passe bien, tout est permis (selon vos critères) tant que l'écriture poétique demeure cantonnée dans un Éther formel qui la maintient le plus loin possible du magma des pulsions.
C'est précisément contre cela, chère madame, que Tessons de lune fut écrit.
En prenant le risque de ne plus séparer l'écriture du corps (sexué !), j'ai voulu évoquer crûment une passion et faire entendre, tel un chant, la fureur obscène du désir amoureux - pouvant parfois devenir, à mes yeux, l'une des dimensions primordiales de la poésie.
C'est donc cela que vous rejetez... Ce genre de paroles qui seraient pourtant « la voix barbare et fêlée venant de la profondeur de ton ventre » (Bataille), vous ne voulez donc ni les voir ni les entendre sur votre site généraliste.
Enfin sachez que Tessons de lune fut écrit à partir de l'amour fou d'un homme - l'écrivain Pierre Boudot dont j'ai été un élève et un ami proche - pour un autre homme. Cet amour incandescent alla jusqu'à la mort de Pierre Boudot. Ma façon de l'évoquer poétiquement ne fut pas un épanchement lyrique et larmoyant mais un requiem obscène.
Et j'irai jusqu'à penser que le contenu explicitement homosexuel du texte ci-joint n'a sans doute pas contribué à atténuer votre intransigeance normative...
Philippe Guénin
Lettre d'Alain Marc :
J'ai effectivement vu après un plein accord la publication en ligne de mon anthologie Poésies du cri brutalement interrompue. Cette anthologie est issue de mon essai Écrire le cri sur lequel Poezibao a pourtant consacré un très bel article. D'autre part, la liste des poètes concernés avait été préalablement donnée et acceptée [1].
Tout se passa très bien pour les onze premières publications. Il me parut alors nécessaire de montrer ce qu'était réellement une poésie du cri et de choisir dans la liste donnée une poésie encore plus parlante. Le moment était venu d'aller plus loin. Deux poèmes posèrent particulièrement problème : un premier de Paul Verlaine, tiré de son recueil Hombres, et un autre, extrait du superbe Tessons de lune de Philippe Guénin sous le prétexte qu'ils étaient trop explicites - sexuellement. Je proposai bien plusieurs solutions, comme de faire précéder le poème de Verlaine, l'un de ses plus corsés mais aussi de ses plus modernes, pourtant publié en poche depuis les années 70, par une introduction citant Sollers à propos de l'impossibilité de lire un extrait des 120 journées au journal de 20 heures. Rien n'y fit. Je me vis proposer le choix : soit de continuer une version forcément édulcorée de cette anthologie en censurant les poèmes ne "convenant pas", soit d'en arrêter purement et simplement la publication, ce que je fis.
Je poursuivis néanmoins ma route comme je le fais depuis le début, habitué des nombreuses embûches qui en jalonnent le parcours, non sans en sous-entendre, ici ou là, ce nouvel incident notamment sur le site Terres de femmes [2].
Les attirances mutuelles jouant bien leur rôle, il se trouve que je rencontrai Philippe Guénin quelque temps plus tard. Une collaboration s'engagea. C'est la perspective de la sortie de l'un de mes livres les plus importants à mes yeux qui me fit ressortir le dossier en décidant de mettre en ligne sur mon propre blog, lapoésiedoitquitterlabeauté, ce même extrait. J'en parlai naturellement, presque innocemment même, à son auteur. C'est face à sa réaction que je me ressaisis du sujet, et que quelques remarques me viennent à l'esprit.
Premièrement. Quand on passe visiblement de la théorie à son application tout devient plus conséquent, c'est-à-dire parlant, c'est-à-dire obscène. Mais n'est-ce pas là, justement, le but de toute vraie littérature ? Deuxièmement. Contrairement à ce numéro « porno » des Lettres françaises de Jean Ristat, qui fit date - août 1992 -, où il était prégnant que les images étaient bien plus inacceptables que les textes présents, ici, sur Internet, il s'agirait d'une régression supplémentaire, à un deuxième niveau...
Faut-il avoir si peur de ces petits boutons sur lesquels on n'a qu'à cliquer pour « Dénoncer un abus » et accepter de sacrifier la littérature sur l'autel d'une poésie banalisée et passe-partout ? Ce qui nous ferait presque croire qu'il n'y aurait plus dans ce monde de la poésie que des éditeurs bons chics publiant des poètes bons genres. Avec l'adage, que la poésie se doit d'être poétique ! Et seulement poétique ! Or la poésie est aussi, beaucoup plus que l'on ne croit, une poésie de combat. Ce qu'étaient, à n'en pas douter une seconde, les poésies érotiques de la fin de la vie de Verlaine. Or la poésie est aussi propulsion, et vers « par flèches jeté » (Mallarmé). Si je suis venu à la poésie et à la littérature, vierge de toute connaissance et de tous préjugés, c'est parce que j'ai rencontré des livres et des écrits qui m'ont parlé, directement.
Trop de structures en place sclérosent la poésie, lesquelles immanquablement censurent, au nom de la bonne foi. Or la censure est le contraire de la vie. Et ne peut que pousser au conformisme (nous voilà revenus au temps de la censure du Château de Cène de Bernard Noël, ou d'Eden, Eden, Eden de Guyotat, c'est-à-dire au tout début des années... 70 !). Ce que fuient toute vraie littérature et toute vraie poésie dignes de ce nom (est-il besoin de rappeler Bataille et les seuls livres nécessaires qu'il se promettait d'écrire ?).
Que peut être un site qui se veut le reflet de la poésie d'aujourd'hui s'il en filtre les expressions ? Un site, et un reflet, sûrement pas complet, ni fidèle, ni même honnête. En un mot : un site mort, qui véhicule la seule mort de la poésie (le contraire d'une poésie vivante). Et la poésie que je défends est hors de toute censure, hors de tout jugement moral. La poésie que je défends est une poésie ouverte à la pulsion de la psyché, et à tous ses imprévus. La poésie que je défends est une poésie qui parfois pulvérise le bon ordre, et toutes les idées en place. Une poésie, oui, qui serait capable d'empêcher un homme de se suicider ! Toujours en lien avec la vie, elle est : libre !
Alain Marc
Voici trois autres passages de Tessons de lune.
reliefs de silence, vallée polaire, bougie humaine amputée, battement, coincement de sexe, lui, chez cette femme, un autre, une femme, des lanières de métal en torsion, tissu de rêve décapé, morcellement d’ombre, pluie noire,
où es-tu, toi, l’amant, ses seins, sa voix menue, tu pilonnes, tu t’enlises, tu t’agrippes à mes fesses, tu coules, en elle, oublie tout, m’efface, te fais basculer très fort, elle t’a pris, te possède, elle t’enchaîne, à toucher ses lèvres, à caresser ses fesses, mini-jupe, tu t’excites, encore, la déculottes, continues, dans son cul, tu contorsionnes, vulve chaude, épaisse, brûlante, dans sa chatte, béante, gluante, démesurée, tu t’enlises, alors elle te soupire, t’allume, te murmure, suis qu’à toi, fais-moi pute, que pour toi, prends-moi, t’en peux plus, elle est belle à crever, t’en peux plus d’elle, me jetteras, partiras, qu’avec elle, tu râles, tu pilonnes, crachat de spermes, si difficile de te déboîter d’elle, je tremble, en moi, suis là que pour toi, n’ose plus rien, propulsé, je suis là, une épave, bousillées, crevée, allongée, contractée à vide, dans ma chambre, tu la pilonnes encore, je le sens, je le sais, elle, détruits-moi, redouble tes assauts, tu ne peux plus sortir d’elle, le sais, il est trois heures de ma mort, liqueur de sang, je bois, comprime, ma gorge, l’air bloqué, au fond, je te vois, cours après ton éjaculation, tu veux m’anéantir, toi, l’amant, à travers elle,
[…]
, carapace fiévreuse, , ,
[…]
, , nuit de la nuit, ,
Et le passage du poème de Paul Verlaine.
VIII
Un peu de merde et de fromage
Ne sont pas pour effaroucher
Mon nez, ma bouche et mon courage
Dans l'amour de gamahucher.
L'odeur m'est assez gaie en somme,
Du trou du cul de mes amants,
Aigre et fraîche comme la pomme
Dans la moiteur de sains ferments.
Et ma langue que rien ne dompte,
Par la douceur des longs poils roux
Raide et folle de bonne honte
Assouvit là ses plus forts goûts,
Puis pourléchant le périnée
Et les couilles d'un mode lent,
Au long du chibre contournée
S'arrête à la base du gland.
[...]
[1] La totalité de l'anthologie est toujours visible sur le site à l'adresse http://poezibao.typepad.com/poezibao/anthologie_posies_du_cri/.
[2] Voir la réaction et son commentaire à un poème de la très bonne anthologie de Jerome Rothenberg les Techniciens du sacré à l'adresse http://terresdefemmes.blogs.com/mon_weblog/2008/05/vises-kunakipi.html#comment-113468870.
Cette lettre a été envoyée à Bernard Noël, Jacques Henric, Jean Ristat, Jean-Pierre Faye, Fabienne Courtade, Charles Pennequin, François Bon, Jean-Michel Maulpoix, Julien Blaine, Francis Combes, Lucille Calmel, Antoine Boute, Guy Darol, Sébastien Doubinsky, Andy Vérol, Arlette Albert-Birot, Emmanuel Ponsart, Éric Maclos, Luis Mizon, Zoe Valdes, Jean-Luc Maxence, Laure Fardoulis, Daniel Giraud, Jean Streff, Michèle Larue, Annick Foucault, Marie Morel, Mylène Besson, Élizabeth Prouvost, Anne Huet, Alain Oudin, Jean-Michel Devésa, les éditions Tristram, Laurence Viallet, le Mort-qui-trompe, Hermaphrodite, Cadex, les journaux, revues et magazines les Lettres françaises, la Revue des livres et des idées, Cassandre, Dissonances, Art press, Action poétique, Têtu, les sites Remue.net, Impudique magazine, le Mague, les Voleurs de feu, les radios Ici et maintenant, Radio libertaire, Radio Alligre, Vincent Teixeira, Jehan Van Langhenhoven, Kej, X.D.D.C., Joël Leick, Genevieve Houdent, Micheline Sevrin, François Laruelle, Marc Guillaume, Anne Larue, Yves de Fontbrune, et d’autres.
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De retour, au centre du corps et du rêve, tout cela tu l'attendais, l'amant, avance plus vite, ne te refuse rien, viens-moi, ouvre-toi, je serai là, tu arracheras tes écorces d'acier, d'enfer et de joie, je t'attendrai,, je serai là, tu regarderas, tu me regarderas, et ta queue inventera mon corps, tu maîtriseras tout, je te le dis, je te dirais, mon seigneur, tu es mon maître, tout donné je suis, ressuscité autour de ton sexe, pour toi, que pour toi, jouir de ton plaisir que de ton plaisir, ne casse rien, cesse de dire non, abandonne les semelles de plomb, chausse les bottes de plumes de l'amour, , , , , , , , , , , , , , , , , , , oui, patrick, toi aussi, nu, devant toi à travers moi, et tu te bats encore, , , , , , , , , , , , , , , , , , , ,
[...]
Philippe Guénin, Tessons de lune, coll. « les Lettres françaises », éd. Mercure de France, 1992, p.28.
L'anthologie - l'« hantologie » dirait Pierre Bourgeade - est la poursuite (de temps à autre) de l'anthologie Poésies du cri lancée sur Poezibao.
Je griffonne en vitesse sur le coin de la caisse enregistreuse du libraire qui m’a proposé de laisser un mot à un futur éditeur de la région : « Je crois à la poésie, une nouvelle poésie, une poésie publique ! »
Vendredi 30 août 1991.
Canal Mémoire de Lucien Suel —
Il y a un côté performance — j’y arriverai —, un peu comme le jongleur qui jongle avec huit balles. J’ai aussi pensé au Yi-King, ou au carré magique.
Premier semestre 2007.
« Cette poésie publique est mon journal intime ». Où Jean Cayrol parle « d’endiguer […] une actualité qui déborde de partout » et qui aveugle « par les spots des faits divers [1] ». Jean Cayrol aurait peut-être aimé proposer par sa « Poésie-Journal » une autre lecture des « problèmes nationaux et internationaux ». Force est de constater que le projet n’a pas atteint son but.
Dimanche 27 septembre 1992.
. . . Afin de Pouvoir
un jour
te sentir
PILIER
résistant
aux vents
tourmentés
de la CITÉ
Te suffira-t-il
D'imaginer ta vie
et de VIVRE
sur ton fil
d'ARIANE ?
. . .
[...]
. . . Écho
des entrailles
qui vomissent
le bruit
de ces villes
Souffle
venu
de l'intérieur
Tu veux VOLER
. . .
[...]
. . . Accent
sur le pas
pressé
Ton doigt pointé
vers le centre
de l'oubli
Tu veux être
LIBRE
DE
MARCHER !
. . .
. . . Craquements
SECS
dans la nuit
de ton rêve
Tu veux être
LIBRE
DE
CRÉER !
. . .
. . . ÊTRE
tout simplement
ÊTRE !
. . .
(version définitive)
« Là où nos commentateurs se retrouvent d'accord [...] : pour eux tous, la Poésie est suite ininterrompue de trouvailles [...] Plus le poème est bourré de "formules", plus il passe pour réussi. Il n'y a pourtant que les mauvais poètes qui font de "bonnes" images, ou qui, ne font que cela : ils conçoivent naïvement le langage poétique comme une addition de bonnes fortunes verbales [...] Le résultat est que cette poésie [...] est toute entière construite sur une sorte de dictionnaire poétique »
Et Roland Barthes de continuer. « Cette surcharge de trouvailles produit elle-même une surcharge d'admirations ; l'adhésion au poème n'est plus un acte total, déterminé avec lenteur et patience à travers toute une série de temps morts, c'est une accumulation d'extases, de bravos, de saluts adressés à l'acrobatie verbale réussie[1] »
[1] Roland Barthes, Mythologies, Points essais, p. 173-174.
Superbes poèmes, que nous livre Christian Déquesnes avec sa revue Passages : 12 poèmes de Hedd Wyn & Francis Ledwidge, Passiondale – La Vallée de la passion -.
Poèmes du cri, oui (ceux de Francis Ledwidge étant bien souvent plus lyriques), qui s’ouvrent par le poème « Guerre » d’Hedd Wyn, jamais traduit en français… On connaît l’extrême attachement du sieur Déquesnes, la passion, qu’il voue à Hedd Wyn, qu’il cite si souvent sur scène dans ses chansons. Le tout est traduit du gallois (en passant par le néerlandais…) et de l’anglais par Jeannine Hayat, Christoph Bruneel & Lucien Suel pour un poème.
À commander d’urgence auprès de Christian Déquesnes par son blog.
Sur Hedd Wyn : fiche (en anglais)
Sur Francis Ledwidge : fiche (en français), 12 poèmes (en anglais), anthologie bilingue (chez Verdier)
« La poésie occidentale a perdu l'usage du cri. Exercice verbal, démarche de saltimbanques et d'esthètes. Acrobatie d'épuisés. »
Cioran, février 1965,
Cahiers 1957-1972, collection Blanche, Gallimard, 1997, p. 266
... Un jeune ami réagissait avant une lecture de poésie et me disait. « Il n'y a que des vieux assis derrière cette table !, ce devrait être des jeunes » Loin de condamner sa non connaissance totale de la poésie, on peut considérer ces paroles comme lourdes de sens. La poésie telle qu'elle se présente trop souvent aujourd'hui est obsolète. Non seulement les textes - la poésie n'a pas le polar, de poésie « noire », ou n'est pas mise en avant, « médiatisée », la poésie n'a que la poésie, bloc monolithique, mastodonte : la POésie -, mais aussi la manière de les mettre en voix, en espace, en un mot : de les mettre sur la scène.
Car le poète n'est pas obligé de lire assis, il peut aussi, comme l'homme l'a fait, se lever, bouger, etc. Et quel autre concept peut représenter cette nouvelle vision de l'acte de mise en public du poème que celui de performance ? En lui empruntant certains éléments et pas forcément tout, c'est-à-dire en étudiant la question de l'apport d'autres arts à la prestation de poésie. Car quand un écrivain, un poète, monte sur une scène, même si c'est pour s'asseoir à une table de lecture, n'est-ce pas déjà une intervention scénique ? Après une première mise en question de la lecture de poésie, après le où ? qui l'a suivie, c'est aborder aujourd'hui le comment. Plus que la lecture elle-même on a vu que c'était l'acte public qui n'existait plus. Mais c'est peut-être aussi l'événement et sa volonté de le créer, qui ont disparus. Le poète n'a aucun recul sur ce qu'il fait (2ème chronique). Il ne fait rien pour prendre sa place dans le monde (3ème chronique). Il montre à nouveau par cette non-avancée, par ce refus de la mise en espace, son étroitesse d'esprit.
Et voilà ce que ça donne. Michael Lonsdale qui a mis en scène un spectacle sur Saint-John Perse - Exil, interprété par Edwine Moatti qui est à l'initiative du projet, en 1987/88 - et qui, passant au théâtre de notre petite ville de province, fait dire un soir à mon amie. « Les lectures de poésie ? Ah oui, la seule que j'ai vue : je me suis ennuyée ! C'était long ! » La poésie au théâtre ? Il y aurait beaucoup à dire. A commencé par les spectacles poétiques montés par ces théâtres parisiens bien intentionnés, qui cherchent à se refaire une santé sur le dos de la poésie. A chaque commémoration tous y passent !, de Rimbaud à Cendrars. Et souvent c'est une catastrophe ! Le problème ? Ce n'est pas de la poésie mais du théâtre !, qui ne peut que desservir la poésie, celle qui s'écrit (qui s'écrie).
Alors, la performance. Voyons deux « lectures-rencontres » qui se sont déroulées à la Maison de la poésie de Paris, une bonne et une mauvaise. La première sur Jean Breton - jeudi 7 novembre 1991 -, est superbe ! Voilà une lecture, une vraie, capable d'attirer le public. Yves Gasc avec sa pratique de la comédie lisait superbement bien, avec des variations à chaque texte lu. On a vraiment envie en repartant de s'acheter les recueils et de relire les textes, seul, dans le silence de sa conscience. Voilà une lecture qui fait avancer les choses. Dans la deuxième lecture-rencontre - jeudi 20 février 1992 -, Alain Bestier et Dominique Joubert s'essaient sur Yves Martin. Une catastrophe ! Pourquoi l'une a été superbe et l'autre nulle ? Il y avait manifestement dans la première un souci de la mise en voix, mais dans la deuxième ! Lectures plates, hésitations, présentation brouillonne, discours incompréhensibles... Mais il y a un public bon sang, et pas forcément constitué que des seuls poètes !!! Il faut fuir la causerie entre spécialistes qui souvent, bien trop souvent, sont de piètres orateurs ! La deuxième ? Le type même de la non-performance. Performance comme performer, interpréter. Et de constater que si la chose la plus importante est bien la mise en voix, il y a aussi ce qui la borne (débat, présentation...).
Lire, mais reste à voir le comment, reste à ne pas retomber dans les écueils déjà soulevés. Par exemple, de la seule poésie romantique. Et pour cela on peut passer en revue les belles réussites. Tel ce vieux disque vinyle que je me suis empressé de copier, textes de Cendrars dits par V. Messica, sur un accompagnement musical de J.P. Limbour. Ou encore ce C.D. l'Inconnu me dévore, texte de Xavier Grall merveilleusement mis en voix par Yves Branellec sur un accompagnement musical « à la France Culture » (distribué par Keltia Musique). Il y a sûrement d'autres trésors à déceler dans ce domaine. Henri Meschonnic étudie par exemple quelques enregistrements, même s'ils sont anciens, dans la partie « le Poème et la voix » de sa superbe étude Critique du rythme (Verdier, 1982, réédition 1990), étude qui peut se révéler précieuse même pour le néophyte. L'écueil à éviter : la théâtralisation, et la dramatisation excessive de la voix. Les poètes américains semblent l'avoir compris, eux qui sont de « véritables professionnels de la voix », et qui emploient « ni la lecture intimiste du solitaire, ni la lecture théâtrale », précise Jacques Roubaud (Encyclopaedia universalis). Et pour l'illustrer, on peut citer la belle voix de Franck Venaille. Venaille, comme Bernard Noël, sait lire ses textes.
Mais la voix peut aussi être travaillée par le corps, créant l'événement, s'approchant de la performance. C'est le travail d'Yvon Le Men. Telle sa lecture de textes du même Xavier Grall au Centre d'Action Poétique - 2 décembre 1991, Crypte de la Madeleine. Yvon Le Men a donné une lecture habitée, pleine d'émotion - il lit debout, mais la proximité de relation due à la petite salle explique peut-être que -, et a fini... avec une extinction de voix, tellement il s'était donné à la tâche ! Mais il y a aussi les tritureurs et expérimentateurs en tout genre. Tel cet auteur et metteur en scène russe Vladimir Sorokine qui a effectué une formidable lecture à la deuxième Biennale du théâtre contemporain de Bonn en 1994 (rediffusée par Arte). Assis, puis debout : un travail extraordinaire sur les sons de la langue, sur sa musique. Chuchotements, rythme, puis grondement qui s'amplifie : vraiment superbe ! Sorokine rappelle le meilleur de Christian Prigent. Prigent, qui est un des rares à réfléchir sur la mise en voix de la poésie. Voir son texte « la Voix-de-l'écrit » (1987, rééd. dans l'Écriture, ça crispe le mou..., Alfil 1997). Et d'admettre, que la performance est ce qui manque à toute lecture plate, que la lecture et la performance, sont indissociables.
Mais outre l'attention portée à la voix, on peut aussi prêter attention à la mise en espace, à une montée sur scène, sur la scène. Car performance sous-entend aussi intervention vivante, pouvant investir la rue, piétonne par exemple. Et c'est là qu'une recherche comme celle de Serge Pey - taper du pied, utiliser le corps afin de travailler la sortie son du poème, technique du pied qu'on retrouve aussi chez les poètes américains des readings -, peut s'avérer fructueuse. Le travail de l'oralité, les techniques du « performeur », sont autant de moyens capables d'investir la rue, mais aussi n'importe quel autre lieu. Et pour que la poésie en soit capable, et puisse ainsi toucher des publics de plus en plus divers, il n'est pas inutile, voire même indispensable, de penser espace. Alors là encore, l'application à la poésie de l'essai d'Antonin Artaud le Théâtre et son double apporte de nombreux enseignements. Il y décrit en effet sa vision d'une nouvelle mise en scène. Avec, « spectateur au milieu tandis que le spectacle l'entoure », sonorisation, lumières, mais aussi action et dynamisme qui « loin de copier la vie, se met en communication avec des forces pures ». Il lance également l'idée de « scènes multiples ». Mais parfois, ce sont les traditions populaires qui apportent les réponses nécessaires. Comme ce fut le cas pour le dramaturge algérien Abdel Kader Alloula, qui modifia sa démarche après avoir constaté que les paysans se regroupaient instinctivement en rond autour des comédiens lors de ses premières représentations en terres rurales. Habitudes ancestrales issues des conteurs ? Alloula privilégia alors la parole et l'écoute plutôt que les artifices de la représentation, jusqu'à dépouiller totalement la scène jusqu'à ôter complètement tout décor. Ce qu'il faut arriver à faire : mettre la poésie en espace, avec des innovations spatiales, orales, aussi bien que scéniques. La mettre en espace, sans toutefois quitter la poésie, je vais y revenir.
Mais on peut aller encore plus loin dans la mise en espace, cette fois en intégrant à la lecture de poésie l'interaction d'autres arts. Prenons l'exemple du cirque qui lui aussi a dû se transformer pour continuer à exister. On peut être très surpris lors de sa première découverte du cirque canadien le Cirque du soleil de ses multiples innovations de mises en scène proches de l'opéra rock : on bascule d'un seul coup dans le cirque contemporain. La troupe Gosh qui elle se produit sur scène comme un groupe de rock offre un panaché entre le cirque et le rock tout aussi superbe ! Alors, de répéter une nouvelle fois : pourquoi le cirque a-t-il effectué sa nécessaire mutation, et pas la poésie ? Car voilà chez les poètes, bien rare est l'acceptation de cette idée d'association de la poésie et de la performance, et en particulier de la poésie avec les autres arts : plastiques, musical, chorégraphique, théâtral, de cirque... Proposez cette idée à l'un de vos amis poètes et vous aurez en guise de réponse un grand silence, qui en dit long ! La poésie aurait-elle peur de perdre son âme ?, de se noyer ou de s'évaporer totalement, au point de ne plus exister ? Mais comme le dit fort bien le dicton, la peur n'évite pas, mais vraiment pas, le danger. Puisque à refuser d'évoluer, elle n'existe tout simplement plus ! La performance est la vie. La poésie à la refuser, reste morte et bien morte. Une nouvelle fois le poète est bien flou. Car cette énorme peur est totalement injustifiée si toutefois on garde à l'esprit de toujours laisser le poème premier.
Mais il faut maintenant s'arrêter sur le mot performance. Car enrichir son sens en le déclinant avec toutes les richesses que peut offrir la langue n'est pas suffisant. Ce mot incline bien vite à associer le propos tenu avec le mouvement artistique appelé du même nom. D'ailleurs, nombres de poètes n'ont pas hésité à sauter le pas sans plus y réfléchir, amenant la confusion dans la tête de chacun ainsi que dans la leur. La performance ? Tout à fait ce que fait Joël Hubaut - c'est Jean-Jacques Lebel, le créateur du festival Polyphonix, qui a importé la mode du happening et de la performance en France. Dans le même esprit que Joseph Beuys. Totalement abracadabrant ! Certaines de ces soirées sont annoncées pour être des soirées poétiques. Ce serait plutôt de l'art vivant ! Loin loin, bien loin de la poésie. Et redire, de ne pas trop en faire, et de ne pas aller trop loin : cela nuit à la poésie.
Comme avec les Métalovoice, ces ex-Tambours du Bronx, qui annonçaient des textes de René Char et des citations de Maïakovski dans leur spectacle Do hit (1996-97). Tiens, ce serait une bonne idée pour attirer les jeunes à la poésie. Seulement l'os est de taille ! Aucune parole n'est compréhensible. Elles sont toutes complètement couvertes par les rythmes de tambours, portes-voix électriques et autres bruits stridents de plus de 130 dB ! Alors, où est la poésie ? Dans le néant complet. Que de la musique ! Avec une poésie qui pèche par un excès ou par un autre, entre la passivité et le débordement complet !
Comment porter sur scène la poésie sans la déformer, reste un problème. A résoudre. Avec toutefois l'expérience acquise, de ne tout simplement pas tourner au spectacle. Pourtant les idées et voies de recherche sont nombreuses, pour qui est prêt à innover quelque peu et aller de l'avant. Et on le sent bien : c'est aux poètes, et à eux seuls, que revient la lourde tâche de faire évoluer la poésie, pour qu'elle soit enfin à la place qui devrait lui revenir d'office, c'est-à-dire dans les premières, au même titre que les autres arts, et non éternellement à la traîne.
Du savoir faire et de l'audace, étaient précédemment demandés aux poètes. Demandes réitérées...
(4ème numéro de la chronique d'humeur « Poésie Poésie » publiée dans la partie magazine de la « revue de littératures » Contre vox no6, HB Éditions, Aigues‑vives, février 1999, rééditée en tract lors du Printemps des poètes de la Ville de Beauvais en mars 2000, ôtée de ses première et dernière phrases...)
Cela me vient d’un trait :
« La poésie doit quitter la beauté. »
Mi-mai 2006.
. . . Aller
jusqu'à se meurtrir
pour assumer son rôle
d'éclaireur ?
. . .
(extrait du poème à dire et à crier Écrire !
poème publié en Première impression
et ayant fait l’objet depuis
d’un enregistrement sonore écoutable en ce moment sur Myspace/alainmarclectures)
. . . Du côtédu corps
du bout
du crayon
Je suis X
eXtra
averti
TRAVESTI
dans une certaine
vision de l’autre
. . .
. . . Classé X
Interrogations
pas aux normes
dans un nœud
d'opacité
cesser enfin
de s'échiner
à la tâche !
. . .
(extrait du poème à dire et à crier le Désir écartelé
poème publié en Première impression
et ayant fait l’objet depuis
d’un enregistrement sonore écoutable en ce moment sur Myspace/alainmarclectures)
Comme Aristote bouleversait les idées reçues en affirmant que ce n'est plus le mètre qui fait la poésie mais le sujet même de l’œuvre (l'histoire, pour Aristote[1]), je dis depuis déjà pas mal de temps que ce n'est pas forcément la forme qui fait la poésie mais surtout le sens (le choc du). Aristote parle par exemple de « l'effet de surprise ». Après le règne du signifiant, voilà venu le règne du signifié.
Samedi 16 janvier 1993.