Il y a cri et cri. Il y a le cri de l’homme il y a le cri des animaux.
Mais qu’est-ce qu’un cri ? Le cri humain est habituellement défini comme étant un son « perçant ou puissant émis par la voix de l’humain ou de l’animal ».
Le Petit Robert le défini en premier et plus restrictivement comme « son perçant émis par la voix ». Il précise en deuxième. « Parole(s) prononcée(s) très fort », précisant à nouveau, « sur un ton aigu ». Et en troisième, par “extension”. « Opinion manifestée hautement ». Remarquer : que nous sommes passés de la voix, à la parole, pour aboutir à “l’opinion”…
Alors qu’est-ce qu’un cri ? Et d’ailleurs : un cri, se doit-il d’être exclusivement aigu ? Pourtant, et pour revenir aux animaux, un rugissement, qui est bien un cri, est-il aigu ? Il y aurait alors des cris mâles, graves, et des cris femelles, uniquement aigus ? Et que sont ces « cris de Paris » ?
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Il y a cri et cri. Il y a les criaillements, la criaillerie, les criailleurs, les criards il y a même la crierie. Il y a la criée et la vente à la criée. Qui peut même donner son nom à un théâtre…
Il y a cri et cri.
Il y a le “cri”, la langue des Cris ces Indiens du Canada. Il y a enfin les CRI, C.R.I. — « c » « r » « i » — dont je ne détaillerai pas les nombreuses abréviations qui vont des sapeurs-pompiers, à la radio, l’informatique et touchent même le système bancaire !
Il y a cri et cri.
Le cri peut être figuré : il s’agit alors des plaintes, des gémissements de personnes. Il s’agit alors des revendications, demandes pressantes ou toute opinion manifestée, à nouveau, « hautement » (remarquer la pauvreté, du vocabulaire, lorsqu’il est question de définir le cri, ou, à l’opposé mais surtout lorsqu’il est question du cri des animaux, son extrême multiplicité). Il y a aussi — je continue de filer ces regroupement de sens que tout un chacun trouvera aisément sur Internet —, le cri « par analogie », qui est celui qui nous intéresse plus spécifiquement à savoir le cri des marchands et ouvriers ambulants. Ce « par analogie », nous intéressant plus particulièrement.
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Mais alors : qu’est-ce qu’un cri ? Le cri, dès qu’il est articulé, il s’agit de la première définition du mot, la plus basique, celle qui part du cri animal, n’est plus un cri. Mais un cri, humain, peut aussi et quand même, être articulé. Mais alors où est, la frontière, entre cri et non-cri ? Le simple cri d'appel, ou onomatopéique, est-il « cri », ou crier ? Qu'est-ce que crier ? Tous les « cris » sont-ils crier ?
L’idée a déjà été avancée à plusieurs reprises : celle du « hautement ». Retraduisons, c’est-à-dire quand la voix est poussée, idée du cri maladroitement traduite par sa fréquence sonore à savoir celle de l’aigu. Car pourquoi l’aigu est-il serait, il, privilégié par rapport au grave ? (Déjà soulevé.) Parce qu’il renvoie à l’image — noter ce mot, toujours, d’image… —, de la stridence ? Le cri, sans ses attributs, n’est plus le cri. Ne reste, que son souvenir, que le souvenir, du cri. Premier.
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Mais revenons à ces « Cris de Paris ». Car ils sont fameux, ces « Cris », que l’on écrit d’ailleurs souvent avec un « C » majuscule. Les Cris de Paris, ou d’autres régions — mais pourquoi d’ailleurs, en est-on arrivé à régionaliser ces Cris ? —, sont des expressions, figées devenues canoniques, prononcées par les marchands ou ouvriers ambulants qui déambulaient encore dans nos rues à la fin des années 50, et qui manifestaient leur présence à la « criée ». Ils ont été répertoriés dès le Moyen-âge et ont donné lieu à de multitudes publications imprimées, d’estampes, de caricatures et même : de jeux, tel le jeu de l’oie ! Il s’agissait, dans les marchés, de se faire entendre le plus fort. D’être, celui qui se fera le plus, remarquer. Afin d’être premier, le, premier, et de vendre, le plus qu’il était possible. Ces expressions, devenues figées, comme il y a des métaphores également figées, étaient reprises de marchand en marchand. Nous sommes alors dans le cri d’appel, qui est une des variantes du cri, mais pas forcément la plus parlante. Nous sommes alors entre le cri, et l’expression, puisqu’il s’agit toujours d’une suite de mots, entre le cri et le slogan et donc entre le cri et la... poésie.
Mais quand nous parlons de « cris » parle-t-on toujours des mêmes cris parle-t-on seulement, toujours du cri ? Il faut déjà séparer l’œuvre, de Clément Janequin, des « cris de Paris » sur lesquels elle s’est basée.
Je passe sur les notions de polyphonies, de traduction des bruits des marchés et sur les qualificatifs de « premier bruitiste » et d’« onomatopées », pas toujours exactes loin s’en faut (car tout, on le sait, est dans les mains de l’interprète) — il est plutôt question de combinaisons, simultanéité, justement, de paroles, à ne jamais oublier. Paroles donc langage donc articulation et donc sortie, du cri. Pour en arriver à la dernière question : le cri, peut-il être chanté ? Je passe à nouveau sur certaines expériences menées sur des écrivains-poètes telle Joyce Mansour. À côté à mon sens, c’est-à-dire détournant, l’esprit premier dans lequel l’œuvre a été créée. Je passe je passe, sur cette contradiction, première, pour laisser s’exprimer les artistes, à venir, et pour dire que tout est donc dans les mains, cela vient juste d’être avancé, de des, interprètes, et de toutes les interprétations et créations artistiques à venir.
Article rédigé à la vue du programme des soirées « les Cris du cri » de la saison 2010-2011 de la Péniche-Opéra dirigée par Mireille Larroche et plus particulièrement de la première soirée consacrée aux « Cris des rues ».
On peut écouter des extraits du disque les Cris de Paris sur VirginMega.fr